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St Philippe Néri, le « Socrate romain »

neri_agErmite dans Rome

C’est à Florence, il y a 500 ans, que Philippe Néri a vu le jour en 1515. Du tempérament toscan, il hérite la fameuse gaité qui restera une note de son
caractère.
Il quitte sa ville natale à 18 ans, envoyé chez son oncle commerçant près du Mont Cassin. Mais très vite il se sent appelé à autre chose. C’est à Rome qu’il se rend… Il ne quittera plus la Ville de son arrivée vers 1533 à sa mort à 80 ans en 1595.

Pendant une dizaine d’années il y vit en ermite, logeant chez un compatriote florentin où il joue le rôle de précepteur pour les deux fils de la maison.

Il arrive dans une Rome en triste état spirituel et moral. Les palais sont magnifiques et le carnaval splendide, mais les mœurs de la Renaissance imprègnent les fidèles et la hiérarchie de l’Église. La volonté d’une Réforme catholique est encore timide ; le Concile de Trente ne s’ouvrira qu’en 1545. Philippe, à sa façon, anticipera cette œuvre de réforme. Les Romains exprimeront leur vénération en lui donnant le titre de second apôtre de Rome.

Il n’a pourtant aucun plan prémédité. Il déambule dans les rues en exerçant une sorte d’apostolat à la Socrate, non par des enseignements élaborés mais par le contact amical, sans autre méthode que la cordialité. Sur les places, dans les rues, il aborde chacun, spécialement les jeunes : «Quand commençons-nous à faire le bien ?» Philippe sert les malades et les pèlerins : le premier lieu qui garde sa mémoire à Rome est l’église de la Trinité des pèlerins, du nom de la confrérie qu’il a fondée avec son confesseur Perciano Rosa. Il suit quelque temps des cours de philosophie et de théologie. Il aime surtout prier la nuit dans les catacombes de Saint-Sébastien, près des martyrs des premiers siècles.

C’est là que se situe l’événement marquant pour sa vie intérieure : sa « pentecôte personnelle ». En 1544, la veille de Pentecôte, il sent un globe de feu lui entrer dans la bouche et ensuite se dilater dans sa poitrine. La joie intérieure qui en résulte se manifeste par des phénomènes physiques attestés par les contemporains : excès de chaleur, palpitations et tremblements, battements de cœur véhéments qui se répercutent jusque dans le banc où il est assis… A sa mort on découvrira même la saillie de deux côtes formant protubérance à l’endroit du cœur.

San_filippo_neri_invita_i_fanciulli_a_venerare_la_madonna_(liberale_cozza)Âme de l’oratorio

Il est ordonné prêtre en 1551, poussé par son père spirituel. Il s’installe alors dans un convict de prêtres (sorte de colocation), à Saint-Jérôme de la Charité, près du palais Farnèse. C’est là, dans sa chambre puis dans les combles, que prend naissance son institution originale : l’Oratorio. C’est une réunion  informelle, constituée d’abord des fils spirituels de Philippe, où chacun prend la parole de façon familière sur les textes de l’Écriture Sainte.

On se transporte à l’extérieur. Le cercle autour de Philippe prend de l’ampleur, dans une ambiance joyeuse et fervente qui peut faire penser  à de petites JMJ : pèlerinage aux sept églises à l’époque du carnaval, assemblées des après-midi du dimanche avec vêpres, pique-nique…

Au cours de ces pérégrinations, Philippe se livre à bien des facéties, qui réjouissent les badauds, et parfois éprouvent ceux qui l’accompagnent. Ne leur commande-t-il pas de porter dans leurs bras un roquet qui s’est attaché à lui, en le caressant soigneusement et en le bourrant de bonbons et de gâteaux ? Lui-même ne craint pas de parcourir les rues avec un balai en genêt, s’arrêtant pour le humer avec délices comme si c’était un bouquet de fleurs…

On a souvent gardé de lui le cliché d’un clown, mais ces gestes n’ont pas pour but d’attirer l’attention : ils sont au contraire l’expression d’une profonde indifférence à l’image de marque. Alors que Philippe lit dans les âmes et qu’il fait des miracles jusqu’à ressusciter un mort, il fuit la réputation de sainteté. Il a besoin aussi de subterfuges pour se distraire afin de ne pas tomber trop souvent en extase et, au moment de célébrer la messe il joue avec ses clés ou lit un recueil de facéties…

Philippe ne se met pas lui-même en avant : c’est l’amour du Christ, dont il a fait la brûlante expérience, qu’il transmet à tous ceux qui l’approchent. Un ingrédient essentiel de son apostolat est la confession et la communion fréquentes.

filippo-neriPère de l’Oratoire

En 1563, à la demande de ses compatriotes florentins, il accepte la charge de leur église Saint-Jean des Florentins. C’est à ce moment, pour le soin de l’Oratorio, que Philippe incite quelques-uns de ses premiers disciples à devenir prêtres. Ils vivent en commun de façon familiale, sans vœux religieux, sans autre règle que la charité. C’est là, pendant une dizaine d’années, que prend forme la communauté particulière dont il est le père sans le vouloir, et qui s’appellera la congrégation de l’Oratoire.

Philippe ne prescrit pas d’observances extérieures précises ; il traque surtout toute forme d’orgueil et d’enflure du « moi ». Il répète : « Soyez humbles, soyez bas ». Ou encore : « Il est plus facile de guider dans la voie spirituelle les
personnes joyeuses que les mélancoliques ». Quand une brillante recrue déploie ses dons rhétoriques lors de son premier sermon, Philippe lui ordonne de répéter exactement le même plusieurs fois de suite, de sorte que les gens le désignent comme le père qui ne sait qu’un sermon ! Cependant tous l’aiment ardemment.

Au pape saint Pie V succède Grégoire XIII, de caractère plus débonnaire que son prédécesseur, mais non moins zélé pour encourager le renouveau spirituel. Ami de Philippe, c’est lui qui confie au groupe une église propre, Santa Maria della Vallicella, au centre de la ville. En même temps, il y érige l’Oratoire comme congrégation. Le pape signait donc en cette année 1575 l’acte de naissance officiel de l’Oratoire. Philippe entreprend la restauration de l’église. Au lieu de l’ancienne qui était délabrée, il élève les murs de ce qu’on appellera la Chiesa Nuova, « l’église neuve ».

En 1593, il se défait de ses fonctions de supérieur, ce qui ne l’empêche pas de recevoir dans sa chambre tous ceux qui veulent. Dans ses dernières années, il confesse en restant couché, souvent la matinée entière. Puis il se lève, revêt
en guise de soutane une sorte de gilet rouge qui lui descend à mi-jambes, et chausse de vastes souliers blancs… Il prend l’habitude de célébrer la messe seul, tant ses extases sont devenues incompressibles.

Il rend son âme à Dieu le 26 mai 1595, levant la main pour bénir ses fils. Philippe Néri sera canonisé en 1622, en même temps qu’Ignace de Loyola et François Xavier, ses contemporains, ainsi que Thérèse d’Avila et Isidore le laboureur. Sa fête est le 26 mai.

Pour en savoir plus :

Article Saint Philippe Néri, une figure originale et attrayante, par le P. Raphaël Clément, dans Revue Prêtres Diocésains, n° 1570, avril 2021, pp. 170-177