Chers amis, si l’Esprit Saint veut bien se mêler à l’écriture et à votre lecture de ces quelques mots, cela les fera verser du bon côté : non celui de la saturation d’informations qui nous étouffe, mais celui du silence de paix et d’adoration qui nous fait respirer.
Dans la semaine qui vient nous fêterons l’Ascension. Dans la première lecture de ce jour-là (Actes 1, 1-11), je note que le Seigneur demande aux apôtres d’attendre que s’accomplisse la promesse du don de l’Esprit Saint. Simplement attendre. Il n’y a aucune échéance précise indiquée : c’est après coup que nous savons qu’elle était dix jours plus tard, à la fête de la Pentecôte. Dieu seul savait.
L’accomplissement des promesses n’est pas instantané : Dieu nous demande d’accepter un délai sans échéance connue de nous.
Il n’y a pas d’histoire sans délai. Les événements qui forment la trame de l’histoire se réalisent forcément dans le temps. Or ce temps, qui est sa créature, Dieu le fait participer à notre rapprochement avec Lui. Aussi bien par sa durée. Souvenons-nous de toutes les attentes que comporte l’Histoire sainte, et spécialement du très long temps qu’il a fallu avant que ne vienne le Christ.
Nous pensons naturellement qu’un délai retarde, ralentit, gêne le rapprochement. Dieu ne pense pas ainsi. Un délai, et donc une attente qu’il nous demande, nous rapproche de lui plus sûrement qu’un don perçu comme instantané. En tout cas le don, au terme du délai, pour être bien accueilli, suppose une préparation qu’une attente calme, patiente, confiante et vigilante nous procurera.
C’est une caractéristique de l’action divine que méconnaît notre culture de l’instantané ; en ce mois de Marie, soyons révolutionnaires à sa façon à elle : ne fuyons pas la grâce de l’attente.
Quand j’étais un petit enfant
Ma mère ne m’habillait que de bleu et de blanc
O Sainte Vierge
M’aimez-vous encore
Moi je sais bien que je vous aimerai
Jusqu’à ma mort
Et cependant c’est bien fini
Je ne crois plus au ciel ni à l’enfer
Je ne crois plus je ne crois plus
Le matelot qui fut sauvé
Pour n’avoir jamais oublié
De dire chaque jour un Ave
Me ressemblait me ressemblait
Guillaume Apollinaire
Rembrandt
Je ne connais pas de tableau sur l’Ascension qui ait marqué ma mémoire. Mais il y en a un qui me fait bien penser à ce mystère, c’est celui de Rembrandt sur Emmaüs qui montre Jésus au moment où il disparaît aux yeux du disciple qui le reconnaît. C’est le moment où le Ressuscité n’a plus besoin d’être là que sous une forme voilée : la foi suffit pour le reconnaître. Il disparaît et en même temps il est là. « Là, dans le sacrement de son amour », comme disait le Curé d’Ars. Le pain rompu auquel nous communions : voilà bien celui que donne à voir la silhouette peinte par Rembrandt. Ce pain est à la fois Celui qui vit dans la gloire et celui qui nous dit « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».
P. Matthieu